• Quelle est l’image ? Qui est le fantôme ?<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

    L’auteur, qui nous entraîne dans une introspection de son rapport à la photographie et de sa vie, par ricochet ?<o:p></o:p>

    Nous, qui lisons en comprenant les images sans les voir tout à fait ?<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Freund nous a aidé à comprendre la photo, Guibert nous aide à transpercer ses fantômes (ceux de la phot ou les siens … ?). <o:p></o:p>

    Freund faisait un portrait de la photo, Guibert fait son autoportrait (le sien et celui de la photo).<o:p></o:p>

    En toute sincérité, avec naïveté de temps en temps, avec candeur parfois, gravité souvent et intelligence … toujours.<o:p></o:p>

    Mélange réussit entre nouvelles, essais et autobiographies. L’aventure de l’image, de la photo et de l’image de l’auteur qui fuit subrepticement.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Tantôt plaisant, tantôt gênant. La société, l’homme, le sexe, la famille et bien d’autres sujets encore, liés presque par définition à la photographie, sont abordés pour nous emporter de l’autre côté du mystère des Chambres … claires, noires, obscures.<o:p></o:p>

    L’image Fantôme, ou le mystère de la représentation de soi et du monde.<o:p></o:p>


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  •                    Barthes s’interroge sur ce qu’est la photo, il se demande ce qu’elle est « en elle-même ».

                Que représente-elle pour le « spectator » (le spectateur) ?

                Que veut dire « l’opérator » (le photographe) sur le « spectrum » (l’objet, le sujet de la photo) ?

                Il distingue le « studium » : « sorte d’investissement général », qui fait appelle à la personnalité, la culture, le contexte … dans le quel se trouve le spectator ; du « punctum » : « ce hasard qui, en elle [nous] point. Le studium de l’ouvrage serait la Photographie et la ‘méta-Photographie’, et le punctum, la photo du « Jardin d’Hiver ». Invisible et omniprésente, lui seul peut nous la décrire telle qu’elle est ressentie par le spectator du punctum en question… nous la faire apprécier… car il nous fait partager son propre punctum personnel, individuel, voire existentiel.

                C’est un ouvrage à lire après Photographie et société et en même temps que l’Image Fantôme, ou presque …

    Car bien que ‘fondateur’, ‘référence’ en la matière, cette réflexion nécessite, à mon avis, quelques repères (donnés par Freund).

    Même si Guibert se livre, il le fait avec sa société, ou du moins, son point de vue sur la civilisation dans la quelle il évolue, avec son entourage, son histoire.

                Barthes, au contraire, est nécessairement seul devant le « Jardin d’Hiver ». Il nous propose une introspection au combien perspicace de la Photo, de son rapport à la Mère, à la Mort… et toute son étude, si objective qu’elle se veuille au départ, et intrinsèquement liée à son expérience personnelle de la photo, de l’amour qu’il voue à sa mère, et de la mort qui se rapproche inexorablement.


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  •                    Eric Zemmour soutient la thèse selon laquelle les hommes se seraient féminisés au fil du temps. Misogyne ? Macho ? Non, Eric Zemmour lui-même est féminisé.

                Il fait un constat qui lui semble désastreux : les hommes assument leur part de féminité et étalent leur crèmes de beautés dans leur salle de bain – espace éminemment féminin – comme pour concurrencer leurs colocataires.

                Bien sûr, au premier abord, on ce dit que cela ne tient pas debout. Si les homes s’étaient « féminisés », ils ne battraient plus leurs femmes, ils ne soumettraient pour le « sexe faible », ils n’achèteraient plus de grosses voitures… Mais Zemmour nous fait bien ressentir que ce ne sont pas tous les hommes qui virent de genre. En effet, il faut ce l’argent pour être un « métro sexuel », c’est donc la petite bourgeoisie et la classe moyenne qui est le plus touchée par ce nouveau mal(e).

                Mais est-ce vraiment un mal ? Nous aimons les hommes qui parlent d’amour mieux que  de sexe, d’égalité plus que de domination, de valeurs émotionnelles autant que de valeurs rationnelles…

    Néanmoins, il ne faut pas oublier que notre culture structure bien plus notre esprit que ce que nous l’imaginons… Et notre culture, l’organisation de notre société repose depuis bien longtemps sur la distinction homme femme… Distinction de plus en plus difficile…

                            Mais je préfère  laisser à Eric Zemmour le soin de vous expliquer le pourquoi du comment.

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

                            L’essai est rédigé dans un style très simple, sans pour autant tomber dans le piège du simpliste… Les arguments sont agrémentés de chiffres mais aussi d’analyse des médias et surtout d’observations pertinentes.

                Pourtant, l’ouvrage n’est pas exhaustif, il le dit lui-même dès la première page, ce n’est ni une étude sociologique rigoureuse, ni un traité de philosophie à l’usage des machos. Zemmour se contente de décrire ce qu’il voit et d’essayer de trouver des explications aux multiples constats qu’il fait, qui le frappe parfois de plein fouet. Il a le chic pour délier ces petits riens qui nous semblent naturels – surtout aux jeunes générations – mais qui sont profondément révélateurs.

                Le propre de cet ouvrage est – à mon sens – de nous ouvrir l’esprit, d’exercer plus souvent notre esprit critique.

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                Et je me demande si cette féminisation des hommes n’est pas née de leur peur de l’envahissement de l’espace public par les femmes. De plus en plus présentent dans la vie politique et médiatique occidentale – sans pour autant être mieux représentés – les Femmes n’ont de cesse de s’imposer aux regards de tous, comme des acteurs sociaux majeurs… et prennent ainsi la place des hommes.

    Alors, dernier recours de Premier Sexe contre cette invasion du féminin ? Ou nouvelle prise de position morale ? Ou encore évolution naturelle de l’humanité ?

    Car souvenez-vous, « La Femme est l’avenir du l’homme » Aragon …


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  • Marie-Joseph Bertini fait de la philo, de l’anthropologie, de l’histoire, de l’épistémologie, de la sociologique, de la  psychanalyse, de la science politique et de la science info-com pour nous parler d’un sujet somme toute très simple : Les Femmes.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

             Mais est-ce aussi simple ?<o:p></o:p>

    Non, ce n’est pas si simple d’être femme, et encore moins d’être Femme. Dans un monde où les Médias encensent les Egéries et les Madones, ou la société se passionne pour des histoires de Muses ou de Mères. Et où l’inclassable est classé dans la Figure – terme cher à Bertini – de la Pasionaria. <o:p></o:p>

             Les cinq archétypes précédemment cités sont plus que des stéréotypes, ce sont des Figures. Les Femmes ne peuvent et ne doivent pas être considérée autrement. Elles ne peuvent accéder à l’espace public sans être « casé », presque « fichée » dans l’une de ces cinq catégories.<o:p></o:p>

             Bertini nous livre une étude pointilleuse de la place des Femmes dans les Médias … et les Médias étant à la fois miroir et acteur de la cité, c’est leur place dans toutes les sphères de la société qui est étudiée.<o:p></o:p>

    Toutes les sphères ? Non, une exception confirme la règle : la Femme au foyer (si cher aux marketeurs…) n’est pas abordée, elle est dépassée. Bertini « passe les bornes », enfonce des portes scellées, elle va au-delà du « sens commun » pour mieux le comprendre.<o:p></o:p>

             L’ouvrage est dur, répétitif, des phrases tournent en boucle et cognent dans la tête de la lectrice ou du lecteur. Mais ce sont des phrases fortes, justes, parfois douloureuses, et je ne résiste pas à l’envie de la citation. « Les mots sont les frontières invisibles des Femmes. » ; « Le silence est frustration rentrée, impuissante, et non détachement libérateur. », « Ce que la Figure de la Pasionaria indique ainsi aux Femmes, c’est que leur combat est voué à l’échec. », « Les hommes peuvent apprendre à se re-saisir eux-mêmes ; les femmes resteront soumises à l’empire des passions. », « Leur rôle se résume à assurer la continuité de la détermination masculine du pouvoir. ».<o:p></o:p>

    Que dire de plus. <o:p></o:p>

    Si ce n’est : « Le langage est une Bastille symbolique dont le contrôle fait l’objet de l’attention sourcilleuse des pouvoirs établis ». <o:p></o:p>


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  • Roland Barthes (1915-1980)<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

    Par Philippe DULAC<o:p></o:p>

    L’œuvre de Barthes étonne, de prime abord, par sa variété, son ouverture, son attention tous azimuts. Diverse dans son objet (Barthes semble parler de tout : de Sade et de Beethoven, de Racine et du bifteck-frites, du catch, du strip-tease, du lied allemand et de Brecht) ; diverse dans sa méthode (il paraît changer souvent de vêtements théoriques, essayant tour à tour une critique thématique à la Bachelard dans Michelet par lui-même , une psychanalyse ethnologique inspirée du Freud de Totem et tabou  dans Sur Racine  et un structuralisme strict dans Système de la mode ) ; diverse dans son idéologie (tenu à ses débuts pour un marxiste intransigeant – parce que veillant à l’orthodoxie de l’introduction en France des écrits et des théories de Brecht –, il se fait le champion d’un certain formalisme en défendant Robbe-Grillet et le Nouveau Roman naissant et d’un certain hédonisme en réhabilitant, en esthétique, la valeur du plaisir ), cette œuvre apparaît comme une série de blocs distincts, voire contradictoires, dont on voit mal, à première lecture, le dénominateur commun.<o:p></o:p>

    Vertige du déplacement<o:p></o:p>

    Cela surprend, comme, à certains égards, l’homme lui-même. Roland Barthes vient tard à l’écriture (il naît en 1915, à Cherbourg, et ne publie qu’en 1953 son premier ouvrage). En raison de graves atteintes de tuberculose, il ne mène pas le cursus honorum  habituel aux intellectuels français et ne rejoint l’Université que par des chemins détournés, mais, il est vrai, aux plus hautes fonctions : nommé directeur d’études à l’École pratique des hautes études en 1962, il est élu, en 1976, professeur au Collège de France, où une chaire de sémiologie littéraire lui est spécialement consacrée. Longtemps écarté des milieux et des vogues intellectuels, des centres clés d’édition et de pensée, il échappe aux influences et aux goûts du jour pour se forger une culture originale, des pôles d’intérêt spécifiques qui le font traiter de littérature tout aussi bien que de cinéma, de peinture et de musique, exhumer l’œuvre de Michelet et revaloriser le « discours amoureux » à un moment où la sexualité seule fait loi.<o:p></o:p>

    Volontiers intempestif, Barthes n’obéit pas à la mode. Bien au contraire, il la gouverne (plus encore que Foucault ou Lacan, il fait germer la « modernité » ; on le cite, on le suit, on le développe ; nombre de ses concepts ont d’ores et déjà fait époque) ; mieux, il la déjoue : dérangeant, ridiculisant ce qui va de soi, bousculant les valeurs fétiches, partout il « déplace ». Et, dans son texte même, il rejette l’acquis, la répétition, la thèse, bref l’autorité, au gré de brisures, de zigzags, de fuites en avant. Son apparent éclectisme n’est que le fruit d’une stratégie concertée. À y regarder d’un peu près, l’essentiel de sa recherche, en fait, est programmé dès ses premiers ouvrages.<o:p></o:p>

    « L’Empire des signes »<o:p></o:p>

    Que ce soit avec Mythologies  – suite d’analyses sarcastiques de quelques représentations de l’idéologie petite-bourgeoise (faits divers, photos, articles de presse...) – ou avec Le Degré zéro de l’écriture , « histoire du langage littéraire qui ne [serait] ni l’histoire de la langue, ni celle des styles, mais seulement l’histoire des Signes de la Littérature », l’œuvre de Barthes se propose d’emblée comme une critique de la signification. Signification et non pas « sens » ; non pas les systèmes arbitraires de communication, les langages par lesquels les hommes codifient les rapports entre le monde et eux ou entre eux-mêmes, mais les systèmes annexes, seconds, par lesquels, à travers les langages, ils émettent indirectement des valeurs. Ainsi la phrase « quia ego nominor leo   » a un sens propre, traduisible en français ; elle a aussi pour signification d’être simplement un exemple de grammaire. Dans une pièce de Racine, le mot « flamme » veut dire amour ; c’est aussi un simple signe permettant de reconnaître l’univers de la tragédie classique. Un bifteck-frites a des qualités spécifiques ; c’est aussi le symbole d’une certaine francité. Bref, tout objet de discours, outre son message direct, sa dénotation, sa référence au réel, peut recevoir des « connotations » suffisantes pour entrer dans le domaine de la signification, dans le champ des valeurs. Tout peut devenir signe , tout peut être mythe .<o:p></o:p>

    Pourquoi donc une critique du mythe (et plus globalement du signe, de la signification) ? D’abord parce que celui-ci est parasite : forme sans contenu, il ne crée pas de langages, mais les vole, les détourne, les exploite à son profit pour, en un métalangage, faire parler obliquement les choses. Ensuite parce qu’il est frauduleux : masquant les traces de sa fabrication, l’historicité de sa production, il se donne hypocritement comme allant de soi ; l’idéologie bourgeoise se constitue en pseudo-Nature, le stéréotype en évidence et la Doxa (« c’est l’Opinion publique, l’Esprit majoritaire, le Consensus petit-bourgeois, la Voix du Naturel, la Violence du Préjugé ») en vérité éternelle. Enfin parce qu’il est pullulant : il y a trop de signes et trop de signes exagérés, bouffis, malades ; la signification pléthorique non seulement prolifère mais encore en rajoute, jusqu’à l’écœurement et la nausée (« Combien, dit Barthes, dans une journée, de champs véritablement insignifiants  parcourons-nous ? Bien peu, parfois aucun. » Que l’on songe à la surcharge agressive des affiches, des slogans, des images publicitaires, des gros titres). Et Barthes de rêver du degré zéro de l’écriture (cette écriture blanche de Blanchot, de Robbe-Grillet, de L’Étranger  de Camus), des interprétations sobres d’un Lipatti ou d’un Panzéra, des photos dépouillées d’Agnès Varda, de matériaux mats et frais, comme le bois...<o:p></o:p>

    La sémiologie, « un rêve euphorique de la scientificité »<o:p></o:p>

    Montrer le déboîtement, la duplicité du mythe par rapport au langage, en révéler les étapes de constitution, les mécanismes, les fonctionnements, en freiner, si possible, l’activité éhontée et superfétatoire, voilà le projet barthien tout tracé. Encore faut-il passer d’analyses plus ou moins impressionnistes à une formalisation plus poussée. À cet égard, « Le Mythe, aujourd’hui », synthèse et condensation théorique des tableautins narquois de Mythologies , pose les premiers jalons et commence à mettre les codes « ventre à l’air ». Mais Barthes, bien vite, va beaucoup plus loin et se propose, tout bonnement, de tenter de construire la sémiologie , « science qui étudierait la vie des signes au sein de la vie sociale » telle que, dès 1910, Saussure l’avait postulée dans son Cours de linguistique générale . C’est ce à quoi s’emploient Système de la mode  et surtout Éléments de sémiologie . Barthes, d’emblée, y retourne l’hypothèse saussurienne. Saussure, en effet, pensait que la linguistique proprement dite serait appelée à se fondre dans une science générale des signes. Barthes démontre le contraire : la signification passant toujours par le langage, la sémiologie ne sera qu’une spécification et non une extension de la linguistique : « La sémiologie n’a eu jusqu’ici à traiter que de codes d’intérêt dérisoire, tel le code routier ; dès que l’on passe à des ensembles doués d’une véritable profondeur sociale, on rencontre de nouveau le langage » (la mode, en particulier, n’a de système qu’en tant qu’elle est écrite, c’est-à-dire représentée et appuyée de légendes). Manière de dire, Benveniste le montrera, que le langage, c’est le social même.<o:p></o:p>

    Si donc la sémiologie relève de la linguistique, l’affaire devient relativement simple. Il suffit d’emprunter à la linguistique sa rigueur de méthode et ses concepts les plus opératoires (principalement ces couples fondamentaux que sont : langue/parole, signifiant/signifié, syntagme/paradigme, dénotation/connotation), de prendre pour modèle le système langagier avec ses principes spécifiques d’articulation et de combinaison, pour pouvoir dès lors constituer et analyser en système tout champ social important et traiter en sémiotiques particulières les discours littéraire, cinématographique, musical, voire alimentaire ou vestimentaire. Simple compilation linguistique et préparatoire, contestée du reste par certains linguistes, plus suggestive que profonde, Éléments de sémiologie , pour ce qu’il engendre de recherches multiformes toujours actuelles (les travaux de Julia Kristeva pour la littérature ou de Christian Metz pour le cinéma en sont en grande partie issus), demeure quand même un texte clé de notre temps. Il n’en est que plus surprenant de voir Barthes, bien loin de le développer et de le dépasser, l’abdiquer superbement, passer rapidement à tout autre chose (ce qui deviendra une coutume chez lui) et en finir avec ce qu’il appellera « un rêve euphorique de la scientificité » – laissant à d’autres les destinées de la sémiologie comme science.<o:p></o:p>

    Littérature, critique, lecture : vers le « plaisir du texte »<o:p></o:p>

    Parallèlement à son entreprise sémiologique, Barthes porte à la littérature une attention continue, une prédilection particulière qui ne se démentira pas (son premier article, daté de 1942, est, significativement, consacré au Journal  de Gide). Que ce soit avec Michelet par lui-même , où il se livre, chez cet auteur, à une surprenante analyse des rêveries substantielles, des euphories/dysphories matérielles là où on attendrait une classique étude historique ou idéologique. Avec Sur Racine , où il expérimente sur l’auteur de Phèdre  une lecture psychanalytique assez novatrice qui fera grincer des dents aux sorbonnards élevés dans la stricte méthode de Lanson – respect des vraisemblances historiques, biographiques, psychologiques (cet ouvrage lancera une querelle déjà ancienne, mais fameuse, autour de ce qu’on a appelé la « nouvelle critique », dans laquelle Barthes exacerbera les passions et se fera nommément attaquer par un pamphlet de Raymond Picard auquel il répondra par Critique et vérité , merveille d’intelligence et de liberté critiques). Ou encore avec Essais critiques  et Nouveaux Essais critiques , où, en des articles devenus canoniques, il parle indifféremment de La Rochefoucauld, de Brecht, de La Bruyère, de Robbe-Grillet, de Loti, de Bataille, de Voltaire, de Proust, de Flaubert, de Queneau, de Tacite, de Fromentin ou de Kafka –, Barthes, ne parlant pas d’un lieu officiel d’énonciation, se souciant peu de traditions commentatives et d’érudition livresque (la littérature, il ne l’enseigne pas), Barthes se veut libre lecteur.<o:p></o:p>

    Obéissant apparemment à la recherche sémiologique de Barthes dans son ensemble (à tout prendre, la littérature est, des champs de signification, le plus riche et le mieux organisé : qu’est-ce que la rhétorique sinon l’ensemble des connotations qui font dire à une page, en sus de son message propre : « je suis une page de littérature » ?), le travail de lecture en dirige en fait l’évolution et y opère des déplacements considérables. S’il songe bien pendant un temps, dans l’euphorie de la théorisation, à traiter de la littérature comme d’un système (ce dont témoigne « Introduction à l’analyse structurale des récits » où, sur les traces de Propp et de Brémond, il tente de réduire le récit à une suite de fonctions élémentaires – projet que les premières lignes de S/Z  tourneront en dérision), Barthes met vite fin à ce projet et du même coup à une scientificité trop assertive, autoritaire et incompatible avec l’objet littéraire tel qu’il commence à le concevoir. Plus attentif désormais, en effet, aux procès de structuration qu’à la structure elle-même, aux mouvances et aux pluralités du sens qu’à son organisation, il polarise autour de la notion de Texte , comme l’avait fait la notion de signe, l’essentiel de son activité. Ce qui explique l’importante modification que, dans son principe, son objet et son écriture, enregistre son œuvre à la fin des années 1960, sans du reste rien renier d’elle-même.<o:p></o:p>

    Que ce soit avec Sade, Fourier, Loyola  où il se livre à une magistrale déconstruction/reconstruction des figures de la rhétorique sadienne au gré d’un montage de séquences commentatives ; avec S /Z  où il fait éclater en cinq cents lexies (ou unités de lecture) une nouvelle de Balzac dont il réenchaîne les grains aux codes de la narration classique ; et surtout avec Le Plaisir du texte  – étonnant recueil de bulles aphoristiques, de petites bouffées de babil – Barthes nous décrit le texte (et non plus l’œuvre), conçu comme un entrelacs de discours et de codes sociaux (son intertextualité), comme tissu de voix (son dialogisme), comme étoilement et migration de sens (son pluriel), comme variation d’impulsions et d’intensités (son grain). Conçu surtout comme générateur de plaisir  dans la mesure où il n’a de fonctionnement que dans le déploiement d’un « pour-moi », que dans la réalisation d’un rapport d’interpellation, d’interlocution avec un lecteur non pas récepteur passif mais scripteur effectif : « Sur la scène du texte, pas de rampe : il n’y a pas derrière le texte quelqu’un d’actif (l’écrivain) et devant lui quelqu’un de passif (le lecteur) : il n’y a pas un sujet et un objet. Le texte périme les attitudes grammaticales. » <o:p></o:p>

    Barthes par Barthes<o:p></o:p>

    On comprendra que le texte ne se présente pas comme objet de discours scientifique et de théorie (comme l’était auparavant le signe), mais bien plutôt comme le générateur d’un discours métaphorique et subjectif, bref d’une écriture. « La pratique d’une écriture textuelle, dit Barthes, est la véritable assomption de la théorie du texte. » Entendons qu’il désigne ainsi la mutation personnelle qui l’a changé d’un simple « intellectuel » en un des « écrivains » les plus étonnants et les plus originaux de notre temps. Volontiers portée, au départ, vers la blancheur et la neutralité critique, son écriture, en effet, s’est travaillée au fil des œuvres jusqu’à devenir quelque chose de tout à fait spécifique dans la syntaxe et même la ponctuation (la parenthèse, le tiret, la barre, les deux points jouent un rôle prépondérant), dans l’énonciation (la première personne, ironique et ludique, intervient sans cesse), la durée (Barthes cultive le fragment, l’aphorisme, le haï-ku) et surtout la rhétorique. C’est en ces termes que Philippe Sollers la salue : « Ai-je dit que R. B. avait inventé l’écriture-séquence, le montage flexible, le bloc de prose à l’état fluide, la classification musicale, l’utopie vibrante du détail... ? » De cette écriture, Roland Barthes par Roland Barthes  – manuel d’autobiographie ironique – et Fragments d’un discours amoureux  – sorte de sémiologie de la sentimentalité – présentent des manières d’apogée qui permettent au discours d’idées théâtralisé dans une mise en scène textuelle (« Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman » ou « C’est un amoureux qui parle et qui dit ») d’échapper à la bêtise du stéréotype et au pouvoir de l’assertion pour conjuguer pleinement la théorie et le plaisir, le savoir et la saveur.<o:p></o:p>

    À cette conjugaison euphorique le magistère soudain que dut assumer Barthes a sans doute apporté des limites et des difficultés. La leçon inaugurale au Collège de France et Sollers écrivain , par leur densité un peu crispée, témoignent d’une certaine période de doute et de recherche. Mais un ressaisissement éclatant est donné par La Chambre claire.  Non pas analyse théorique de la photographie, mais lecture affective de la photo. Cette œuvre, toute traversée de nostalgie et d’émotion, admirable par sa justesse d’écriture et sa pudeur de ton, ne peut être lue, malgré la brutalité et l’imbécillité des faits, comme une œuvre testamentaire, tant la voix de Barthes y est pour toujours vibrante et vivante.<o:p></o:p>

    Philippe DULAC <o:p></o:p>

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